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UN DIVORCE

roula sur les élections et sur les affaires. Monadier proposait à Ferdinand de le faire nommer député au grand conseil, et il énumérait les chances et les moyens d’obtenir le suffrage populaire avec un cynisme d’idées et d’expressions qu’il atténuait par un ton de franchise et de bonhomie. Ferdinand souriait à tout cela. De ce sujet l’entretien fut amené, par une pente habile, sur les propres affaires de Monadier, qui, de l’air modeste d’un homme supérieur, annonça qu’il venait de mettre la main sur une affaire d’or. C’étaient des mines d’anthracite dans le Valais.

— Qu’est-ce que l’anthracite ? demanda timidement Claire.

— Madame, c’est de la houille, à laquelle il manque seulement douze ou quinze mille ans de formation. C’est peu de chose : on les lui donnera. Figurez-vous, mon très cher, poursuivit-il en s’adressant à Ferdinand, que le fameux secret est trouvé. Oui, ce diable d’Ornuz a trouvé ça dans ses cornues, et, moi qui vous parle et qui ne suis chimiste, c’est moi qui lui en ai donné la première idée. Un véritable trait de génie ! Ma foi ! je puis bien le dire, puisque ça ne m’arrivera pas deux fois. En sorte que nous formons une compagnie de capitalistes dont je suis le gérant ; les capitaux affluent déjà : c’est une fortune, vous comprenez, pour tous ceux qui en seront ; de plus, une véritable révolution économique ; nous allons chauffer la Suisse entière pour presque rien. Ah ! l’industrie ! mon cher ! l’industrie ! Il n’y a plus que cela.

Ferdinand ayant émis quelques doutes, Monadier cita de nouvelles preuves, et fit sur les avantages de sa découverte une longue tirade au bout de laquelle il avait des larmes aux yeux.