tant que cette pensée : Ferdinand m’attend ! qui l’excitait comme un aiguillon.
Elle arriva enfin, prête à se jeter dans les bras de son mari, qu’avec une joie secrète elle s’attendait à trouver impatient, même un peu grondeur. Mais la chambre était vide, aussi bien que le salon. Ferdinand n’était pas de retour encore. Ce fut pour Claire une surprise si pénible, qu’elle se prit à pleurer.
Certes, il n’y avait pas de quoi ; elle se l’avoua bientôt, se grondant elle-même. Incapable d’analyser ses propres sentiments, elle ne se dit pas que l’ardeur et l’agitation causées en elle par ce premier jour d’absence marquaient plus exactement la distance qui existait entre son amour et l’indifférence de son mari, lui qui restait loin d’elle par l’effet de sa propre volonté, sans ennui, sans désir et sans inquiétude.
Quand Ferdinand vint, il n’était pas seul : il amenait à souper M. Monadier.
Depuis la rencontre sur le bateau, Claire éprouvait pour cet homme une répulsion instinctive. Avait-elle raison ? Il était peut-être difficile d’en décider tout d’abord ; M. Monadier était mêlé à toutes sortes d’affaires politiques, commerciales, industrielles, judiciaires, communales, cantonales, fédérales et autres, et il avait deux réputations assez distinctes, les uns assurant que c’était un charmant garçon, les autres le déclarant une franche canaille. Il est vrai que dans les pays démocratiques ces expressions ont perdu beaucoup de leur valeur, par suite d’un usage excessif, et sont presque devenues des dénominations politiques.
M. Monadier eut pour Claire, au premier abord, des empressements exagérés ; puis il la laissa complètement de côté dans la conversation, qui tout le temps du souper