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vait plus où aller : que faire ? Rien au monde ne l’attachait, rien que le souvenir de son mari et de ses enfants ; mais cela n’était qu’une plaie douloureuse, non point un espoir. Ils avaient le droit de la repousser ; ils n’avaient nul besoin d’elle, et la pauvre femme ne songea pas même à les charger de sa misère. Elle resta où elle était, se demandant mille fois par jour pourquoi elle n’était pas morte et comment il se faisait qu’on put vivre ainsi. Vivre pour son art, elle n’en trouvait pas la force. Il eût fallu s’aimer soi-même, et elle ne s’aimait plus ; ou beaucoup les autres pour désirer leur donner, au prix de grands travaux, quelques jouissances : mais tous les ressorts de son âme étaient détendus, et même elle les croyait brisés à jamais.

Elle sentait avec étonnement ses forces physiques se ranimer, et s’indignait de voir la jeunesse en elle plus forte qu’elle-même. Bientôt elle put sortir en voiture, grâce au doux soleil de mai ; puis, selon les conseils du médecin, descendre et marcher un peu. Mais, dans ce demi-jour charmant, plein d’ombres aériennes et de losanges lumineux que fait, dans les allées couvertes du bois, les jeux du soleil et des feuilles nouvelles, malgré l’air amical et de connaissance que prenaient à son passage les petites fleurs, Marie ne promenait avec elle partout qu’un lourd ennui ou des pensées amères.

Une fois que, cédant à la fatigue, elle s’était assise au bord d’une allée, ses yeux se fixèrent sur une de ces primevères jaunes à