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LES RAGIONAMENTI

mains ; après lui, le Provincial, puis le Prieur, et de main en main, le Sonneur et jusqu’au Jardinier montèrent sur le noyer et le gaulèrent de telle façon qu’elle commença d’être contente ; deux jours à la file, les passereaux ne firent autre chose que de monter au grenier et d’en descendre. Au bout d’un certain temps, le prisonnier fut élargi, il sortit de l’enfer, pardonnant à tout le monde, laissa son bien en communauté et en profita avec tous les autres Pères. Croiras-tu que toute une année elle résista à tant de meules de moulin ?

Antonia. — Pourquoi ne veux-tu pas que je le croie ?

Nanna. — Et elle y restait pour toujours si, devenue grosse, elle n’était peu de temps après accouchée d’un monstre à tête de chien, qui donna de l’ennui aux Frères.

Antonia. — Pourquoi de l’ennui ?

Nanna. — À cause de la meurtrière, qui s’était par trop élargie en pondant le monstre à tête de chien, au point que c’était chose horrible à voir. Ils calculèrent par le moyen de la nécromancie, et découvrirent que le chien préposé à la garde du jardin avait eu affaire à elle.

Antonia. — Est-il possible ?

Nanna. — Je te le vends comme je l’ai acheté de tous ceux qui virent le cadavre du monstre : le sac à moines l’avait en effet pondu mort.

Antonia. — Qu’advint-il de la salope après son accouchement ?

Nanna. — Elle retourna auprès de son mari, ou pour mieux dire près de sa mère, en usant du plus beau stratagème du monde.

Antonia. — Conte-moi cela.

Nanna. — Un Moine qui exorcisait les esprits et qui en avait plein des bouteilles sauta par-dessus de mauvaises clôtures de jardins jusque sur le toit de la maison de notre mouchoir à moutier et fit si bien qu’il pénétra avec l’aide du Diable une nuit ; il guetta que tout le monde fût endormi et s’approcha de l’huis de la chambre où couchait la maman, qui ne cessait de geindre et d’appeler sa bienheureuse fille.