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L’ŒUVRE DU DIVIN ARÉTIN

ceps, avec les menottes, assis sur une méchante poignée de paille, entre deux prêtres qui le réconfortaient, et ne faisant pas une mine trop rechignée à l’image qu’on lui présentait à baiser. Comme s’il ne s’agissait pas de lui, il contait des bourdes en chemin, et tous ceux qui se présentaient, il les appelait par leurs noms. Depuis le matin la grosse cloche du communal sonnait lentement, lentement, pour annoncer l’exécution qui allait avoir lieu. Les bannières furent déployées, puis lecture faite (elle dura jusqu’au soir) de la condamnation par un de ceux du tribunal criminel, qui avait une voix retentissante ; ensuite, il s’achemina une grosse corde dorée au col et une mitre de papier doré sur la tête, pour signifier qu’il était le roi des coquins. Au son de la trompette, veuve de son gland, on le fit s’avancer au milieu d’une escouade de sbires, la populace marchant par derrière, et partout où il passait, les balcons, les toits, les fenêtres, tout était plein de femmes et d’enfants. Dès qu’il fut près de la catin, qui, avec un grand battement de cœur, guettait le moment de se jeter au cou du scélérat, avec cette avidité dont un malade brûlé de la fièvre se jette sur un seau d’eau fraîche, sans le moindre trouble elle s’élança furieusement, fendit la foule à grands cris, et, échevelée, battant des mains, l’étreignit de toutes ses forces en disant : « Je suis ta femme ! » La justice fut suspendue, tout le monde se poussait, se heurtait et l’on entendait un vacarme, on aurait dit que les cloches du monde entier sonnaient en même temps au feu, aux armes, au prêche, à la fête. La nouvelle arrivée aux oreilles du Podestat, il fut obligé de tenir la main à la loi, et le misérable fut livré, pieds et mains libres, pour être accroché aux fourches de la scélérate.

Antonia. — Nous sommes à la fin du monde !

Nanna. — Ah ! ah ! ah !

Antonia. — De quoi ris-tu ?

Nanna. — De celle qui s’était faite luthérienne pour vivre en prison avec lui, et qui y resta avec trois coups de couteau dans le cœur : le premier fut de l’en voir sortir ; le second de croire qu’il allait être pendu ; le troisième d’apprendre