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d’un enterrement un pompeux service public. Il dit qu’au grand ennui de Poincaré, on a envoyé une partie suspecte des habitants de Sampigny dans un camp de concentration. Rambervillers, qui n’a pas été occupé par l’ennemi, a été pillé par l’infanterie coloniale.

Mme Moutet, qui est doctoresse, conte ceci : un instituteur blessé a répondu à l’invite d’une religieuse d’assister au chapelet : « Le chapelet, je m’en fous. » Un mois après, sortant de l’hôpital, il avoua qu’il aurait crevé de faim sans l’assistance de ses camarades. Il était blessé aux mains.

— Séance de reprise du 22 décembre à la Chambre. Je la vois d’une coupure de l’hémicycle, prérogative des chefs de cabinet !… Oh ! le prestige des paroles sur ce peuple… Ainsi évoque-t-on la Grèce antique. Et plus les discoureurs affirment la décision d’aller « jusqu’au bout », plus on se lève, plus on hurle, plus on épileptise.

— Je rencontre dans ce couloir Gheusi, directeur de l’Opéra-Comique et officier d’ordonnance de Galliéni. Il me dit que, dans son théâtre, on refuse chaque soir 1 500 personnes ; les baignoires sont occupées par des femmes en deuil. Elles viennent pleurer. La musique seule adoucit et détend leur chagrin.

Il me raconte aussi — comme attaché au Gouvernement militaire de Paris, cette fois — la folle histoire d’un capitaine que sa femme ne voulait pas quitter à Compiègne. C’était contraire au règlement. Menace d’être renvoyé au dépôt si elle s’incruste, il la tue.

— En cette fin décembre 1914, Pichon mène campagne pour l’intervention du Japon. Une partie du Gouvernement s’en irrite : cela gêne les négo-