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D’Accambray, il dit que c’est Saint-Just (nous sommes tous les trois camarades de promotion), que les parlementaires de la Commission de l’Armée subissent, tout en regimbant, son ascendant. M… rend hommage à sa droiture, à son absence d’étroite ambition. Enfin il reconnaît que Joffre mange comme un ogre et dort comme un enfant.

— Le 14. Encore un général qui se montre dur pour l’État-Major. Il blâme les indemnités excessives, les grandes facilités de vie qu’apporte la guerre aux grands chefs. Il dit le haut commandement grisé par cette omnipotence soudaine, sans bornes. Il voit dans l’attitude de cet État-Major la revanche de l’affaire Dreyfus. Il traite ces généraux de Jésuites. Il déplore leur répugnance pour les Anglais et l’explique par des raisons religieuses : ce sont des protestants.

— À minuit, on m’apprend que le général Roques serait nommé à la Guerre. Son nom est peu connu de la foule et du monde. Et puis, Roques, c’est encore Joffre.

— Le 15. On me dit que Briand ne veut pas prendre le ministère de la Guerre parce qu’il est sûr de l’adhésion roumaine et qu’il veut être aux Affaires Étrangères quand l’événement se produira, afin d’en avoir le bénéfice direct.

— Reinach écrit dans le Figaro que la guerre est un art noble. Un art, et noble, tuer des êtres humains !

— L’historien Aulard, qui se dit pénétré du pur idéal révolutionnaire, écrit à la même date dans le Journal, en parlant des Allemands : « Il faut en tuer, en tuer le plus possible ! »

— L’aberration des mentalités me confond toujours. Un pacifiste militant, qui fut du bureau de Berne, souhaite devant moi une guerre longue, écra-