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— J’entends souvent des gens dire : il faut envoyer 100.000 hommes ici, il faut sacrifier 200.000 hommes là… Pour eux, ça ne compte pas : des chiffres sur du papier. Pour les amener à une conscience exacte du réel, je voudrais les contraindre à remplacer le mot homme par leur propre nom. Si c’est Martin qui parle, je voudrais le forcer à dire 100.000 Martins, 200.000 Martins. Alors il serait amené à sentir que chacun de ces hommes vaut un Martin, s’intéresse à sa vie autant que Martin s’intéresse à la sienne. Et cela donnerait à réfléchir à Martin.

— Voilà 600 jours que chaque journal instille la haine de l’Allemand. Cela sue de toutes les lignes. Hier encore, l’avocat Chenu dénonce des affiches du métro, parce qu’elles lui paraissent « boches ». D’après lui, le monsieur qui n’offre pas sa place, dans le métro, à une dame ou à un blessé, est d’origine « boche ». Partout, la même campagne. Je ne puis m’empêcher de l’opposer aux récits publiés par cette Française en Allemagne (août à novembre 1914), qui parlait impunément français à Berlin. Imaginez-vous une femme qui parlerait allemand à Paris ?

— Le 9. La Comédie-Française va jouer au front… Si cette suprême machine de guerre allait faire reculer les Allemands ?

— Le restaurant Henry faisait 3.000 francs de recette par jour avec 60 repas. Ce chiffre est tombé à 800 francs après les zeppelins. Ça ne durera pas !

— Deux femmes au théâtre. L’une : « Oh ! j’ai dû me faire mal juger par votre amie, la femme du colonel X… J’ai dit devant elle, en parlant de la guerre, que c’était long. Et alors elle m’a accablée de reproches. » L’autre : « Ah ! dame, c’est que ce sont d’ardents patriotes. Au début ils ont eu leur