Page:L'envers de la Guerre - Tome 1 - 1914-1916.djvu/136

Cette page a été validée par deux contributeurs.

un Foch superbe, se donnant des airs de généralissime, interdisant aux autos l’accès du parc de son château, laissant ses visiteurs debout alors qu’il est assis, ne se déplaçant qu’en grande pompe et parade. Il montre un d’Urbal haï de ses troupes, réduisant la durée légale des permissions. Il dit enfin la terrible facilité avec laquelle on fusille les soldats.

Le 18, départ pour Arras, avec arrêt à Gouy-Servin, à 3 km. derrière Ablain-Saint-Nazaire. La tour ébréchée de Saint-Éloi domine le site. On entre à Arras par une route que bordent un cimetière militaire très dense et des batteries de 75. Le gendarme nous avertit que le dernier obus allemand est tombé il y a six minutes.

Arras, c’est le désert de Soissons et la ruine de Reims, s’ajoutant, s’amplifiant. Les trous d’obus sont larges comme les rues. On vous nomme des monuments : ce ne sont que des gravats. D’ici, de là, un magasin ouvert : un boucher, un chapelier. Une marchande de fruits, avec un éventaire en plein vent. Nous croisons, en tout, une dame avec un livre de messe (c’est dimanche) et une autre avec son chien. Une ville morte, dont les ruines sont les blessures. Les postiers sont installés au théâtre. Ils ont évacué le palais Saint-Vaast, brûlé, écroulé. M. Thomson les harangue et les félicite.

Nous déjeunons à Doullens, et nous rentrons à Paris, après de nombreuses pannes de pneus, à 10 heures du soir.

J’ajoute que les convives du dîner de la veille faisaient tous un tableau lamentable des batailles de septembre 1914. Pas d’armes, pas de vêtements, pas d’ordres.

Enfin je note qu’on expliquait le bombardement d’Arras en disant : « C’est un bastion, au même