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CHAPITRE I

LE TERRAIN


D’abord, sur le théâtre de la lutte ou son décor. Il serait bien étrange qu’il n’eût pas été modifié par les omnipotents engins de destruction récemment mis en œuvre, — et, en effet, il l’a été. Ce n’est plus le riche paysage d’autrefois, complexe et vivant, des anciens tableaux de bataille, où les arbres élevaient paisiblement leurs dômes de feuillage au-dessus de la mêlée, où les moissons continuaient à croître autour des foulées du galop, où les boulets déchiraient, çà et là, les rideaux de verdure, mais sans les décrocher ni en joncher le sol : c’est une terre nue et aride, bouleversée, retournée, émiettée, par le pilonnage des « marmites », couverte des débris de choses concassées, indiscernables, criblée d’entonnoirs, comme de fourmis géantes, un désert pêtré où rien ne croît, rien ne bouge, rien ne vit, — sauf parfois un arbuste miraculeusement préservé, qui fleurit et tremble au vent, un oiseau qui se pose, une fontaine qui continue à épancher ses eaux inutiles au milieu d’une zone de mort, objets devenus intangibles, tabou. Une invisible menace suspendue