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C’est que la guerre n’est pas chose moins terrible pour son peuple que pour les autres. Qu’est-ce que cette effroyable valse où est entraînée la pauvre Germania, exsangue et défaillante, par un squelette aux escarpins vernis ? C’est la continuelle navette entre les deux lignes de feu : De l’Est à l’Ouest, de l’Ouest à l’Est (da capo al fine), dit la légende. Qu’est-ce que cette étendue d’eaux mornes, jalonnée, çà et là, par le sommet d’un arbre ou le toit d’une maison, où flottent des cadavres allemands en décomposition, des casques renversés ? C’est la Route de Calais… Plus loin, d’autres « Boches » apparaissent figés, accroupis, dans la contraction subite de la rigor mortis, au milieu des fils barbelés, comme de gros moucherons pris dans la toile inextricable d’une araignée de fer. Aussi les survivants ne conservent-ils plus grand espoir. La lettre qu’écrit un jeune Allemand, du fond de la tranchée, le montre assez : « Chère mère, nous avons fait encore quelques progrès ; nos cimetières atteignent la mer… »

Voilà pour les combattants : la population civile n’est pas épargnée, non plus. Raemaekers la montre en files lamentables, attendant devant les cantines de Berlin. « Les femmes à gauche ! » crient les policiers, et les coups de crosse rangent brutalement toute la gent féminine en quête de pain. Voilà où mène la folie des rois. C’est encore parmi les combattants eux-mêmes qu’on trouverait, çà et la, le plus d’humanité. Deux turcos se sont age-