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tableau de genre intitulé John Bull à Calais : un énorme officier anglais, casquette enfoncée jusqu’aux oreilles et pipe vissée au coin de la bouche, s’est installé dans un salon français meublé dans le goût du xviiie siècle. Il a calé l’essentiel de son personnage dans un canapé et il ne lui faut pas moins de deux fauteuils Louis XV pour étendre ses grandes jambes entortillées de leggins. « Mon Dieu ! s’écrie une jeune femme élégante, coiffée du bonnet phrygien ; qui apparaît à la porte, je crois que cette brute a l’intention de rester avec moi toute la vie ! » Et, par un raffinement d’ironie, qui a dû coûter bien des méditations à l’artiste berlinois, mais en revanche lui a donné une joie bien douce en songeant aux amertumes où il nous plongerait, dans un coin, sur un socle, on aperçoit un objet d’art, qui n’est autre qu’une réduction d’un des Bourgeois de Calais, de Rodin…

Aussi, Marianne se fâche et le Wahre Jacob, de Stuttgart, nous la montre, en cotillon court et souliers plats, qui fait voler toute sa vaisselle dans la direction d’un groupe d’invités, anglais ou russes, en criant : « Sortez, vous autres, sans quoi ma belle France sera ruinée ! » En attendant, les profonds symbolistes de Munich, qui dessinent à la Jugend, estiment que la pauvre France est en grand danger de mort. Ils la représentent enveloppée par les pattes filamenteuses et perforée par les suçoirs immondes d’une gigantesque araignée, laquelle a déjà saigné toute la pauvre Belgique,