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Qu’est-ce qui a bien pu déterminer M. Couturat à bouleverser le système de dérivation Zamenhofienne ? Il nous le dit quelque part, il l’a fait pour deux motifs ; d’abord par antipathie personnelle contre cette terminaison ulo qui allonge le mot d’une syllabe, et fait dire richulo au lieu de richo, bonulo au lieu de bono ; — nous pourrions lui demander alors pourquoi il n’en fit pas autant pour ajo, qui est tout aussi long sans être, croyons-nous, plus élégant que ulo ???

Mais il y a une autre raison… M. Couturat ne veut pas du système de Zamenhof, parce que ce système contredit ses opinions philosophiques. « Malgré Platon et ses disciples, dit-il, je ne reconnais ni le bien en soi, ni le vrai en soi… Je n’admets pas de distinction entre le bien et la bonté, le vrai et la vérité, le beau et la beauté… Je ne connais que des personnes bonnes ou des choses belles… » En conséquence le bien et la bonté s’expriment également en Ido par boneso ; le vrai et la vérité par vereso : Tant pis pour ceux qui ne partagent point les idées philosophiques de M. Couturat ! Ils n’entreront point dans le royaume d’Ido où s’ils y entrent ils devront se résoudre à lire sur la porte une inscription analogue à celle que Dante crut voir à l’entrée de l’Enfer : Lasciate ogni speranza.

À supposer même que M. Couturat ait mille fois raison philosophiquement il a mille fois tort linguistiquement puisqu’il enlève à la langue internationale une ressource et une distinction que possèdent toutes les langues anciennes et modernes. Que dis-je il se met dans l’incapacité d’exprimer dans sa langue ses propres idées, et nous le mettons au défi de traduire en Ido la phrase que nous venons de lui emprunter.