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lois françaises, ont créé un mouvement sérieux vers le Canada.

Et malgré le soin pris par nos représentants là-bas, de se conformer aux rigueurs de la loi, le Gouvernement de la République n’en lançait pas moins, il y a six mois à peine, une circulaire signée : Briand, mettant les préfets en garde contre toute propagande d’immigration au Canada.

M. Bourassa dont le rôle en politique est purement NÉGATIF, n’en affirme pas moins à tort et à travers de semblables faussetés chaque fois qu’il en a l’occasion. Une estrade, une foule, des battements de mains, et M. Bourassa n’est plus maître de lui-même.

C’est à Iberville, qu’il racontait avec indignation les offres de portefeuille de M. Gouin. « J’ai repoussé ces offres des pieds et des mains », ajoutait-il avec dédain.

M. Bourassa avait rêvé cela. On le lui fit bien voir, mais au vingtième siècle, un Rédempteur se rétracte-t-il ? Nenni.

Oui, le rôle de M. Bourassa est purement négatif. Et pourtant, songez donc aux services que cet homme si bien doué, de si bonne naissance pouvait rendre à son pays !

Avec son verbe étincelant, avec ses talents immenses, il eût d’emblée brillé au premier rang.

Voyez Mackenzie King, petit-fils de rebelle, lui aussi ! Il n’a renié ni son aïeul, ni les principes qu’à l’instar de Papineau il revendiqua pour le Haut-Canada. Le petit-fils du patriote Anglo-Canadien n’est ni un jouisseur, ni un repus. Il gagne honnêtement son salaire de Ministre du Travail. Ce n’est pas un démolisseur ; — Ce n’est pas un agitateur. C’est un édificateur ; c’est un législateur. L’un s’accommode des avantages que donne la liberté. L’autre est constamment en rébellion contre les hommes et les choses.

MacKenzie King, est une force acquise ; Bourassa, une force perdue.

MacKenzie King est un modéré ; Bourassa un ultra. Sous un régime constitutionnel, les libéraux, les vrais, doivent rester modérés afin d’être les plus forts. La force dans la modération ! Cela dépasse M. Bourassa et là, sincèrement, nous le regrettons pour lui et pour le pays.

Ce n’est pas tout d’être né affiné et supérieur. Il faut savoir mettre en valeur cette supériorité et cet affinement. Noblesse oblige.

Ce qui rend les aristos et les seigneurs détestables, c’est précisément cette idée dont est pénétré M. Bourassa, à savoir que, sans eux, la terre ne pourrait pas tourner sur son axe.

Inconsciemment peut-être, du haut de sa tour d’ivoire, le seigneur de Montebello se sent NOBLE, profondément séparé du vulgaire, preux, homme d’une classe qui compte très peu de membres. Pour son bien, la nationalité Canadienne-Française doit être menée par un homme de cette classe-là, et l’HOMME, c’est LUI !

Penser autrement, songer, par exemple, — quelle audace ! — que Laurier est l’homme de son temps et de son pays, c’est, aux dires de Bourassa et à travers tous les méandres de son imagination vagabonde, se montrer stupide et présomptueux ; c’est avouer une tare, c’est commettre un gros péché, un péché mortel !

SAINT-DENIS.


LES CAMORRISTES


BAPTISTE — Criez, hurlez, la justice n’en suivra pas moins son cours

LE NATIONALISME.


Voyons quelle origine a le nationalisme dans notre pays et quel but il poursuit.

Au Canada nous avons eu jusqu’ici deux grands partis politiques qui ont conduit le pays habilement, et l’ont amené à cet état de civilisation, de progrès et de développement qui fait l’admiration et je devrais dire l’étonnement du monde civilisé. Ces deux partis sont appuyés sur des principes politiques connus, lesquels ne diffèrent que par une interprétation ou une compréhension différente des intérêts nationaux, et des moyens à prendre pour conduire le plus avantageusement possible les affaires de l’État. Ces deux partis ont un passé glorieux, leurs grands hommes et leur histoire. L’intérêt public demandait-il la formation d’un troisième parti ? Non, et personne n’y songeait, quand soudain, au sein du conseil de la nation, un Messie politique se leva. Nous n’avons qu’à rappeler le passage de M. Bourassa à la Chambre des Communes et son attitude agressive à l’égard de Sir Wilfrid Laurier, quand il s’aperçut qu’il ne pouvait pas capter la confiance du premier ministre et que l’entrée au ministère lui était fermée, M. Bourassa sentit bouillonner dans son âme blessée profondément, toutes les inspirations mauvaises et perfides de son orgueil offensé et de son ambition arrêtée court dans ses rêves de grandeur et de domination. Voilà le germe embryonnaire du nationalisme.

Mais M. Bourassa, pour compléter son œuvre et donner vie à son projet, n’hésita pas à renier son passé politique, à jeter le cri de « Non serviam » de la trahison et à tourner le dos à son chef et à ses amis politiques. Il apparaît sur les tréteaux et cherche à grandir son nouveau né. Il le nourrit de tout ce que son amour propre blessé peut trouver d’injures à l’adresse de ses anciens amis et du parti libéral. Son langage est rempli de fiel et d’exagération ; il devient emporté et brutal et s’acharne avec fureur contre Celui qui fut jadis son chef. M. Bourassa fait quelques adeptes, et M. Tancrède Marcil fut un des premiers à dorloter le nouveau-né pour punir Sir Wilfrid Laurier