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courant la voiture qui, heureusement pour lui, s’arrêta à quelques pas de là, devant le grand Bazar de Moscou. Il se hâta de le rejoindre, en se faufilant à travers la rangée des vieilles mendiantes à la tête entortillée de bandes avec des ouvertures ménagées pour les yeux, et dont il s’égayait fort autrefois.

Il y avait peu de monde devant le Bazar. Kovaliov était si ému qu’il ne pouvait se résoudre à rien, et cherchait des yeux ce monsieur dans tous les coins. Il l’aperçut enfin devant une boutique. Le nez avait complètement dissimulé sa figure sous son grand col et examinait avec beaucoup d’attention je ne sais quelles marchandises.

– Comment l’aborder ? se demandait Kovaliov. À en juger par tout son uniforme, son chapeau, il est évident qu’il est conseiller d’État. Du diable si je sais comment m’y prendre !

Il se mit à toussoter à côté de lui, mais le nez gardait toujours la même attitude.

– Monsieur, commença Kovaliov, en faisant un effort pour reprendre courage, monsieur…

– Que désirez-vous ?… répondit le nez en se retournant.

– Il me semble étrange, monsieur, je crois… vous devez connaître votre place ; et tout à coup je vous retrouve, où ?… Vous conviendrez. …

– Excusez-moi, je ne comprends pas bien de quoi il vous plaît de me parler… Expliquez-vous.

« Comment lui expliquer cela ? » pensait Kovaliov. Et, prenant son courage à deux mains, il continua :

– Certes, moi, d’ailleurs… je suis major… Pour moi, ne