Page:L'âme russe, contes choisis, trad Golschmann et Jaubert, 1896.djvu/33

Cette page n’a pas encore été corrigée

sentait calme ; son cœur battait régulièrement, comme chez un homme qui vient de prendre une résolution dangereuse, mais nécessaire.

Une heure, deux heures sonnèrent. Il entendit le bruit lointain de la voiture. Une émotion l’investit, involontaire. La voilure s’approcha, puis s’arrêta ; il entendit le bruit du marchepied qu’on abaissait. On s’agitait dans la maison. Les domestiques couraient, des voix résonnaient, des lumières s’allumaient. Dans la chambre à coucher accoururent trois vieilles femmes de chambre ; à peine vivante, la comtesse entra et s’affaissa dans le fauteuil Voltaire.

Hermann regardait par une feule. Il vit passer devant lui Lisaveta lvanovna ; il l’entendit précipiter ses pas sur les marches de l’escalier. Il sentit dans son cœur quelque chose comme un remords de sa conscience : mais il la fil taire et s’endurcit.

La comtesse commençait à se déshabiller devant la glace. On lui dépinglait son bonnet garni de roses ; on ôtait la perruque poudrée de dessus ses cheveux tout blancs et coupés court. Les épingles tombaient autour d’elle comme la pluie. Sa robe bleue, lamée d’argent, glissa sur ses pieds enflés.

Hermann assistait aux hideux mystères de cette toilette. Enfin la comtesse apparut en camisole et en bonnet de nuit ; et dans ce costume plus en rapport avec sa vieillesse, elle lui sembla moins affreuse et moins répugnante.

Comme la plupart des gens de son âge, la comtesse souffrait de l’insomnie. Une fois déshabillée, elle s’assit près, de la fenêtre dans le fauteuil Voltaire, et renvoya ses femmes de