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une telle réplique serait une erreur absolue. La marche du progrès suit la direction inverse, car dans cent cas contre un, l'invention mécanique précède la découverte de la loi scientifique. Ce n'est pas la théorie mécanique de la chaleur qui a précédé l'invention de la machine à vapeur ; elle l'a suivie, au contraire. Alors que des milliers de machines transformaient déjà, depuis plus d'un demi-siècle, la chaleur en mouvement sous les yeux de centaines de professeurs ; alors que des milliers de trains, arrêtés dans leur marche par de puissants freins, dégageaient de la chaleur et lançaient sur les rails des gerbes d'étincelles à l'approche des stations ; alors que dans tout le monde civilisé les lourds marteaux-pilons et les perforeuses rendaient brûlantes les masses de fer qu'ils martelaient ou qu'elles perforaient, — alors, mais alors seulement un ingénieur, Séguin aîné, en France, et plus tard un docteur, Mayer, en Allemagne, se hasardèrent à formuler la théorie dynamique de la chaleur avec toutes ses conséquences. Et les savants ignorèrent Séguin et faillirent rendre fou Mayer en se cramponnant obstinément à leur mystérieux fluide calorique et en déclarant « anti-scientifique » le travail de Joule sur l'équivalent mécanique de la chaleur qu'il avait présenté à la société Royale de Londres en 1843.

Lorsque nos milliers de machines eurent démontré l'impossibilité d'utiliser toute la chaleur