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Cependant si nous considérons les effets de la compétition et les effets des réductions naturelles, nous devons reconnaître tout de suite que ceux-ci sont de beaucoup les plus importants. Ainsi, Bates mentionne le nombre vraiment effrayant de fourmis ailées qui sont détruites durant leur exode. Les corps morts ou à demi-morts des « formica de fuego » (Myrmica sævissima) qui avaient été emportés dans la rivière pendant une tempête « étaient entassés en une ligne d’un pouce ou deux de hauteur et de largeur, ligne qui se continuait sans interruption sur plusieurs kilomètres le long de la berge[1] ». Des myriades de fourmis sont ainsi détruites au milieu d’une riche nature qui pourrait en nourrir cent fois plus qu’il n’y en a actuellement. Le Dr Altum, un forestier allemand qui a écrit un livre très intéressant sur les animaux nuisibles de nos forêts, relate aussi beaucoup de faits montrant l’immense importance des obstacles naturels. Il dit qu’une suite de tempêtes ou de temps froids et humides pendant l’exode des bombyx du pin (Bombyx pini) les détruit en quantités incroyables, et au printemps de 1871 tous les bombyx disparurent soudain, tués probablement par une suite de nuits froides[2]. Bien d’autres exemples semblables, relatifs aux insectes, pourraient être mentionnés. Le Dr Altum cite aussi les oiseaux ennemis du bombyx du pin et l’immense quantité d’œufs de ce papillon, détruits par les renards ; mais il ajoute que les champignons parasites qui l’infectent périodiquement sont des ennemis beaucoup plus redoutables qu’aucun oiseau parce qu’ils détruisent les bombyx sur de grands espaces à la fois. Quant à certaines

  1. The Naturalist on the River Amazons, II, 85, 95.
  2. Dr B. Altum, Waldbeschädigungendurch Thiere und Gegenmittel (Berlin, 1889), p. 307 et suiv.