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dans les forêts de mélèzes, se transportent dans des forêts de sapins, et ce changement de nourriture a sur eux certains effets physiologiques bien connus. Si ce changement d’habitude ne dure pas, si l’année suivante les cônes se trouvent de nouveau en abondance dans les sombres forêts de mélèzes, il est évident qu’aucune nouvelle variété d’écureuils ne sera produite par cette cause. Mais si une partie du grand espace occupé par les écureuils subit un changement de conditions physiques — si le climat, par exemple, devient plus doux ou s’il y a dessèchement local (deux causes qui produiraient un accroissement des forêts de sapins par rapport aux forêts de mélèzes), et si quelque autre circonstance vient à pousser les écureuils à demeurer à la limite de la région desséchée, nous aurons alors une nouvelle variété, c’est-à-dire une nouvelle espèce commençante, sans qu’il se soit rien passé qui méritât le nom d’extermination parmi les écureuils. Une proportion toujours plus grande des écureuils de la nouvelle variété, mieux adaptée aux circonstances, survivrait chaque année, et les chaînons intermédiaires disparaîtraient au cours du temps, sans avoir été affamés par des rivaux malthusiens. C’est là précisément ce que nous voyons se produire à la suite des grands changements qui s’accomplissent dans les vastes espaces de l’Asie centrale et qui résultent du dessèchement progressif en ces régions depuis la période glaciaire.

Prenons un autre exemple. Des géologues ont prouvé que le cheval sauvage actuel (Equuus Przewalski) est le produit d’une lente évolution qui s’est accomplie durant les époques pliocène et quaternaire, mais que pendant cette succession de temps les ancêtres du cheval ne furent pas confinés dans un espace limité du globe. Ils ont fait au contraire plusieurs longues migrations dans le Vieux et le Nouveau Monde, revenant, selon