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donnée aux deux aspects différents de la lutte : l’un direct, la lutte pour la nourriture et la sûreté d’individus séparés, et l’autre — la lutte que Darwin décrivait comme « métaphorique », lutte très souvent collective, contre les circonstances adverses. Personne ne peut nier qu’il y ait, au sein de chaque espèce, une certaine lutte réelle pour la nourriture, — du moins à certaines périodes. Mais la question est de savoir si la lutte a les proportions admises par Darwin ou même par Wallace, et si cette lutte a joué dans l’évolution du règne animal le rôle qu’on lui assigne.

L’idée dont l’œuvre de Darwin est pénétrée est certainement celle d’une compétition réelle qui se poursuit à l’intérieur de chaque groupe animal, pour la nourriture, la sûreté de l’individu et la possibilité de laisser une progéniture. Le grand naturaliste parle souvent de régions qui sont si peuplées de vie animale qu’elles n’en pourraient contenir davantage, et de cette surpopulation il conclut à la nécessité de la lutte. Mais quand nous cherchons dans son œuvre des preuves réelles de cette lutte, il faut avouer que nous n’en trouvons pas qui puissent nous convaincre. Si nous nous reportons au paragraphe intitulé : « La lutte pour la vie est d’autant plus âpre qu’elle a lieu entre des individus et des variétés de la même espèce », nous n’y rencontrons pas cette abondance de preuves et d’exemples que nous avons l’habitude de trouver dans les écrits de Darwin. La lutte entre individus de même espèce n’est confirmée, dans ce paragraphe, par aucun exemple : elle est admise comme un axiome ; et la lutte entre des espèces étroitement apparentées n’est prouvée que par cinq exemples, dont l’un au moins (concernant deux espèces de grives) semble maintenant douteux[1]. Mais quand

  1. Une espèce d’hirondelles est dite avoir causé la décrois-