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mants spectacles. A perte de vue dans la prairie, on aperçoit des petits tertres et sur chacun d’eux se tient un chien de prairie soutenant par de brefs aboiements une conversation animée avec ses voisins. Dès que l’approche d’un homme est signalée, en un moment tous s’enfoncent dans leurs demeures et disparaissent comme par enchantement. Mais quand le danger est passé, les petites créatures réapparaissent bientôt. Des familles entières sortent de leurs galeries et se mettent à jouer. Les jeunes se grattent les uns les autres, se taquinent et déploient leurs grâces en se tenant debout, pendant que les vieux font le guet. Ils se rendent visite les uns aux autres, et les sentiers battus qui relient tous leurs tertres témoignent de la fréquence de ces visites. Les meilleurs naturalistes ont consacré quelques-unes de leurs plus belles pages à la description des associations des chiens de prairie d’Amérique, des marmottes de l’ancien continent et des marmottes polaires des régions alpestres. Cependant je dois faire à l’égard des marmottes les mêmes remarques que j’ai faites en parlant des abeilles. Elles ont conservé leurs instincts combatifs, et ces instincts reparaissent en captivité. Mais dans leurs grandes associations, devant la libre nature, les instincts anti-sociaux n’ont pas l’occasion de se développer et il en résulte une paix et une harmonie générales.

Même des animaux aussi belliqueux que les rats, qui se battent continuellement dans nos caves, sont suffisamment intelligents pour ne pas se quereller quand ils pillent nos garde-manger, mais s’aident les uns les autres dans leurs expéditions de pillage et dans leurs migrations ; ils nourrissent même leurs malades. Quant aux rats castors ou rats musqués du Canada, ils sont extrêmement sociables. Audubon ne peut qu’admirer « leurs communautés pacifiques qui ne deman-