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ces déplacements par bandes. Bien loin d’émigrer isolément, afin que chaque individu séparé s’assure les avantages d’une nourriture ou d’un abri meilleur dans une nouvelle région, ils s’attendent toujours les uns les autres et se réunissent en bandes avant de s’ébranler vers le Nord ou le Sud, suivant la saison[1].


Quant aux mammifères, la première chose qui nous frappe dans cette immense division du règne animal est l’énorme prédominance numérique des espèces sociales sur les quelques espèces carnivores qui ne s’associent pas. Les plateaux, les régions alpines et les steppes du nouveau et de l’ancien continent sont peuplés de troupeaux de cerfs, d’antilopes, de gazelles, de daims, de bisons, de chevreuils et de moutons sauvages, qui sont tous des animaux sociables. Quand les Européens vinrent s’établir en Amérique, ils y trouvèrent une quantité si considérable de bisons que les pionniers étaient obligés de s’arrêter dans leur marche quand une colonne de ces animaux en migration se trouvait à traverser la route qu’ils suivaient. Le défilé de leurs colonnes serrées durait quelquefois deux et trois jours. Et quand les Russes prirent possession de la Sibérie, ils la trouvèrent si abondamment peuplée de chevreuils, d’antilopes, d’écureuils et d’autres animaux sociables, que la conquête même de la Sibérie ne fut autre chose qu’une expédition de chasse qui dura pendant deux cents ans. Les plaines herbeuses de

  1. Le fait est bien connu de tous les naturalistes explorateurs, et en ce qui concerne l’Angleterre, on trouve plusieurs exemples dans le livre de Ch. Dixon, Among the Birds in Northern Shires. Les pinsons arrivent pendant l’hiver en grandes bandes, et à peu près au même moment, c’est-à-dire en novembre, arrivent des bandes de pinsons des montagnes ; les grives mauvis fréquentent les mêmes endroits « en grandes compagnies semblables », et ainsi de suite (pp. 165 et 166).