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que la vie continue de pulluler sur le lac, le pillard s’enfuit avec des cris de colère, et cherche s’il peut trouver quelque charogne, ou quelque jeune oiseau, ou une souris des champs qui ne soit pas encore habituée à obéir à temps aux avertissements de ses camarades. En présence de ces trésors de vie exubérante, le pillard idéalement armé en est réduit à se contenter de rebuts.

Plus loin, vers le Nord, dans les archipels arctiques,


si l’on navigue le long de la côte pendant bien des lieues, on voit tous les récifs, toutes les falaises et les recoins des pentes de montagnes, jusqu’à une hauteur de deux cents à cinq cents pieds, littéralement couverts d’oiseaux de mer, dont les poitrines blanches se détachent sur les rochers sombres, comme si ceux-ci étaient parsemés de taches de craie très serrées. Auprès et au loin, l’air est, pour ainsi dire, plein d’oiseaux[1].


Chacune de ces « montagnes d’oiseaux » est un exemple vivant de l’aide mutuelle, ainsi que de l’infinie variété des caractères individuels et spécifiques qui résultent de la vie sociale. L’huîtrier est cité pour sa disposition à attaquer les oiseaux de proie. La barge est connue pour sa vigilance, et devient facilement le chef d’autres oiseaux plus placides. Le tourne-pierre, quand il est entouré de camarades appartenant à des espèces plus énergiques, est un oiseau plutôt timoré ; mais il se charge de veiller à la sécurité commune, lorsqu’il est entouré d’oiseaux plus petits. Ici vous avez les cygnes dominateurs ; là les mouettes tridactyles extrêmement sociables, parmi lesquelles les querelles sont rares et

  1. The Arctic Voyages de A. E. Nordenskjôl, Londres, 1879, p. 135. Voir aussi l'excellente description des îles Saint-Kilda, par M. Dixon (cité par Seebohm), ainsi que presque tous les livres de voyages dans les régions arctiques.