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preuve d’une intelligence, d’une prudence, d’une aptitude merveilleuse à lutter contre les circonstances. Prenons par exemple une bande de cacatoès blancs d’Australie. Avant de partir pour piller un champ de blé, ils commencent par envoyer une troupe de reconnaissance qui occupe les arbres les plus hauts dans le voisinage du champ, tandis que d’autres éclaireurs se perchent sur les arbres intermédiaires entre le champ et la forêt et transmettent les signaux. Si le rapport transmis est : « Tout va bien », une vingtaine de cacatoès se séparent du gros de la troupe, prennent leur vol en l’air, puis se dirigent vers les arbres les plus près du champ. Cette avant-garde examine aussi le voisinage pendant longtemps, et ce n’est qu’après qu’elle a donné le signal d’avancer sur toute la ligne que la bande entière s’élance en même temps et pille le champ en un instant. Les colons australiens ont les plus grandes difficultés à tromper la prudence des perroquets ; mais, si l’homme, avec tous ses artifices et ses armes, réussit à tuer quelques-uns d’entre eux, les cacatoès deviennent si prudents et si vigilants qu’à partir de ce moment, ils déjouent tous les stratagèmes[1].

Nul doute que ce soit l’habitude de la vie en société qui permet aux perroquets d’atteindre ce haut niveau d’intelligence presque humaine et ces sentiments presque humains que nous leur connaissons. Leur grande intelligence a amené les meilleurs naturalistes à décrire quelques espèces, particulièrement le perroquet gris, comme « l’oiseau-homme ». Quant à leur attachement mutuel, on sait que lorsqu’un perroquet a été tué par un chasseur, les autres volent au-dessus du cadavre de leur camarade avec des cris plaintifs et « eux-mêmes deviennent victimes de leur amitié », comme le dit Audu-

  1. R Lendenfeld, Der zoologische Garten, 1889.