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laient hetairiai », (Martin-Saint-Léon, page 2), et, d’après ce que nous savons de l’histoire des pays orientaux, nous pouvons conclure, avec peu de chances d’erreur, que les grandes nations de l’Est, ainsi que l’Égypte, ont eu aussi la même organisation de guildes. Les traits essentiels de cette organisation restent les mêmes partout où nous les rencontrons. C’est une union d’hommes de la même profession ou du même métier. Cette union, comme le clan primitif, a ses propres dieux et son propre culte, renfermant toujours certains mystères, particuliers à chaque union distincte ; l’union considère tous ses membres comme frères et sœurs — peut-être (à l’origine) avec toutes les conséquences qu’une telle parenté impliquait dans la gens, ou, du moins avec les cérémonies qui indiquaient ou symbolisaient les relations qui existaient dans le clan entre frères et sœurs ; enfin, toutes les obligations de soutien mutuel qui existaient dans le clan se retrouvent dans cette union : entre autres, l’exclusion de la possibilité même d’un meurtre au sein de la confrérie, la responsabilité de tout le clan devant la justice, et l’obligation, en cas d’une dispute de peu d’importance, de porter l’affaire devant les juges, ou plutôt les arbitres, de la guilde. On peut dire ainsi que la guilde est modelée sur le clan.

Les remarques que j’ai faites dans le texte sur l’origine de la commune villageoise s’appliquent donc, je suis porté à le croire, à la guilde, à l’artel et à la confrérie de métier ou de bon voisinage. Lorsque les liens qui unissaient autrefois les hommes dans leurs clans furent relâchés à la suite des migrations, de l’apparition de la famille paternelle et de la diversité croissante des occupations, un nouveau lien territorial fut créé, la commune du village ; et un lien d’occupations unit les hommes au sein d’une nouvelle confrérie, le clan imaginaire. Lorsqu’il s’agissait seulement de deux, trois, ou quelques hommes ce clan imaginaire fut la « confrérie du mélange des sangs » (le pobratimstvo des Slaves) ; et quand il fallut unir un plus grand nombre d’hommes de différentes origines, c’est-à-dire issus de différents clans mais habitant le même village ou la même ville (quelquefois même des villes ou des villa-