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les affirmations de Huber touchant les instincts admirables d’entr’aide chez les fourmis, mais après d’attentives recherches ils ne purent que les confirmer. C’est malheureusement un trait caractéristique de la nature humaine de croire volontiers que l’homme est capable de changer à son gré l’action des forces de la Nature, mais de refuser d’admettre des faits scientifiquement établis tendant à réduire la distance entre l’homme et ses frères animaux.

On voit facilement que M. Sutherland (Origin and Growth of Moral Instinct) commença son livre dans l’intention de prouver que tous les sentiments moraux sont nés de l’attachement des parents et de l’amour familial, sentiments qui sont le monopole des animaux à sang chaud ; aussi s’efforce-t-il de diminuer l’importance de la sympathie et de la coopération chez les fourmis. Il cite le livre de Büchner, La Vie psychique des bêtes, et connaît les expériences de Lubbock. Quant aux ouvrages de Huber et de Forel, il s’en débarrasse par la phrase suivante : « mais tout ou presque tout [les exemples de Büchner touchant la sympathie parmi les abeilles] est faussé par un certain air de sentimentalisme... qui fait de ces ouvrages plutôt des livres de classes que de véritables ouvrages scientifiques et on peut faire le même reproche [les italiques sont de moi] à quelques-unes des anecdotes les plus connues de Huber et de Forel. » (Vol. I, p. 298).

M. Sutherland ne spécifie pas quelles « anecdotes », il vise, mais il semble qu’il n’ait jamais eu l’occasion de lire les travaux de Huber et de Forel. Les naturalistes qui connaissent ces ouvrages n’y trouvent point d’« anecdotes ».

On peut mentionner ici l’ouvrage récent du professeur Gottfried Adlerz sur les fourmis en Suède (Myrmecologiska Studier ; Svenska Myror och des Lefnadsförhallanden, dans Bibang til Swenska Akademiens Handlingar, vol. XI, n° 18, 1886). Il est à peine nécessaire de dire que le professeur suédois confirme pleinement toutes les observations de Huber et de Forel touchant l’entr’aide dans la vie des fourmis, y compris ce partage de la nourriture qui a tant surpris ceux qui n’avaient pas su le voir (pp. 136-137).