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clusion fut que « lorsqu’on y réfléchit sérieusement, tels étaient ces hommes, telle est aussi la grande majorité des classes ouvrières[1] » ! Prendre la charge d’orphelins, même dans les plus pauvres familles, est une habitude si répandue, qu’on peut la considérer comme une règle générale ; ainsi parmi les mineurs, on trouva, après les deux explosions à Warren Vale et à Lund Hill que « presque un tiers des hommes tués, comme en peuvent témoigner les comités respectifs, soutenaient des parents autres que femmes et enfants. » Avez-vous réfléchi, ajoute M. Plimsoll, à ce que cela représente ? Des gens riches, ou même des gens aisés font de même, je n’en doute pas. Mais considérez la différence. Considérez ce que la somme d’un shilling souscrit par chaque ouvrier pour aider la veuve d’un camarade, ou de six pence pour aider un camarade à payer la dépense supplémentaire d’un enterrement, représente pour celui qui gagne 16 shillings par semaine et qui a une femme et souvent cinq ou six enfants à nourrir[2]. De telles souscriptions sont d’un usage général parmi les ouvriers du monde entier, même dans

  1. Samuel Plimsoll. Our Seamen, édition populaire, Londres, 1870, p. 110.
  2. Our Seamen, u s, p. 110. Mr. Plimsoll ajoute : « Je ne voudrais pas dire du mal des riches, mais je pense qu’il y a bien des raisons de se demander si ces qualités sont aussi développées chez eux ; car non seulement la plupart ne connaissent pas bien les besoins, raisonnables ou non, de leurs parents pauvres, mais encore ces qualités n’ont pas à s’exercer aussi chez eux fréquemment. La richesse semble si souvent étouffer les bons sentiments de ceux qui la possèdent, et leurs sympathies deviennent, sinon diminuées, au moins pour ainsi dire « stratifiées » ; ils les réservent aux souffrances de leur propre classe, et aussi aux malheurs de ceux qui sont au-dessus d’eux. Rarement ils se tournent vers les inférieurs, et ils sont plus disposés à admirer un acte de courage... qu’à admirer la force d’âme constamment mise à l’épreuve et la tendresse qui sont les traits caractéristiques de la vie de chaque jour d’une femme d’ouvrier anglais » — et, ajouterai-je, des ouvriers au monde entier.