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pauvre elle-même, qui surgit au moment où la famille approchait d’une catastrophe finale, et apporta un peu de pain, de charbon et de literie, qu’elle avait obtenu à crédit. Dans d’autres cas, ce sera un autre, quelque voisin qui viendra sauver la famille. Mais sans l’aide de quelque autre pauvre, combien seraient amenés chaque année à une ruine irréparable[1] !

M. Plimsoll, après avoir vécu quelque temps parmi les pauvres pour 7 shillings 6 pence par semaine (9 fr. 35) dut reconnaître que les sentiments de bienveillance qu’il avait eus en commençant cette vie « se changèrent en admiration et en respect cordial » lorsqu’il vit combien les relations des pauvres entre eux abondent en faits d’entr’aide et de soutien, et lorsqu’il connut les façons simples avec lesquelles ce soutien est donné. Après beaucoup d’années d’expérience, sa con-

  1. Beaucoup de gens riches ne peuvent pas comprendre comment les plus pauvres peuvent s’aider les uns les autres, parce qu’ils ne peuvent se faire une idée juste de quelles quantités infinitésimales de nourriture ou d’argent dépend souvent la vie d’un malheureux des classes les plus pauvres. Lord Shaftesbury avait compris cette terrible vérité quand il créa le Fond des Petites Marchandes de Fleurs et de Cresson, sur lequel on faisait des prêts d’une livre (25 francs) et quelquefois de deux livres, pour permettre aux jeunes filles d’acheter un panier et des fleurs en hiver lorsqu’elles sont dans un cruel besoin. Les prêts étaient accordés à des jeunes filles qui n’avaient « pas un six-pence » (60 centimes), mais qui ne manquèrent jamais de trouver quelque autre pauvre prête à se porter caution pour elles. « De toutes les œuvres auxquelles je me suis trouvé mêlé, écrit lord Shaftesbury, je considère celle des petites Marchandes de Cresson, comme la mieux réussie... Nous commençâmes en 1872 ; nous déboursâmes de 800 à 1.000 prêts, et nous n’avons pas perdu 50 livres pendant toute cette période... Ce qui a été perdu — et ce fut très peu de chose dans ces circonstances — l’a été pour cause de mort ou de maladie, non par fraude. » (The Life and Work of the Seventh Earl of Shaftesbury, par Edwin Hodder, vol. III, p 822, Londres, 1885-86). Plusieurs autres faits dans Life and Labour in London, vol. I, de Ch. Booth, dans Pages from a Work Girl’s Diary, de miss Beatrice Potter (Nineteenth Century, septembre 1888, p. 310) etc.