Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ficile de faire quoi que ce soit dans une commune sans mettre en mouvement toute l’énorme machine de l’État, jusqu’aux préfets et aux ministres. Il est à peine croyable, et cependant il est vrai que lorsque, par exemple, un paysan veut payer en argent sa part de l’entretien d’une route communale, au lieu d’aller lui-même casser les pierres nécessaires, il ne faut pas moins que l’approbation de douze différents fonctionnaires de l’État. Cinquante-deux actes différents doivent être accomplis et échangés entre ceux-ci, avant qu’il soit permis au paysan de payer cet argent au Conseil municipal. Et tout est à l’avenant[1].


Ce qui eut lieu en France eut lieu partout dans l’Ouest et dans le Centre de l’Europe. Même les dates principales des grands assauts qu’eurent à subir les terres des paysans se correspondent. Pour l’Angleterre, la seule différence est que la spoliation fut accomplie par des actes séparés plutôt que par de grandes mesures générales — avec moins de hâte, mais plus complètement qu’en France. La saisie des terres communales par les seigneurs commença aussi au XVe siècle, après la défaite de l’insurrection des paysans de 1380 — comme on le voit d’après l’Historia de Rossus et d’après un statut de Henry VII, dans lequel ces saisies sont mentionnées et sont qualifiées d’énormités et de dommages préjudiciables au bien commun[2]. Plus tard, la

  1. Cette procédure est si absurde qu’on ne pourrait la croire possible si les cinquante-deux actes différents n’étaient énumérés en détail par un écrivain tout à fait autorisé dans le Journal des Économistes (1893, avril, p. 94) ; plusieurs autres exemples du même genre sont donnés par le même auteur.
  2. « Enormitees and myschefes as be hurtfull... to the common wele. » Voir Dr Ochenkowski, Englands wirthschäftliche Entwickelung im Ausgange des Mittelalters (Iéna, 1879), pp. 35 et suiv., où toute cette question est discutée avec une connaissance approfondie des textes.