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humaine elle-même ne pourrait pas se maintenir pour la durée d’une seule génération.

Ces faits, pour la plupart négligés par les sociologues, et cependant d’importance capitale pour la vie et pour le progrès de l’humanité, nous allons maintenant les analyser, en commençant par les institutions permanentes d’entr’aide et passant ensuite aux actes d’aide mutuelle qui ont leur origine dans des sympathies personnelles ou sociales.


Lorsque nous considérons la constitution actuelle de la société en Europe, nous sommes frappés immédiatement de ce fait que, quoique tant d’efforts aient été faits pour détruire la commune du village, cette forme d’union continue à exister — nous allons voir tout à l’heure jusqu’à quel degré — et que beaucoup de tentatives se font aujourd’hui, soit pour la reconstituer sous une forme ou une autre, soit pour lui trouver quelque substitut. La théorie courante, en ce qui regarde la commune du village, est que dans l’Ouest de l’Europe elle est morte de sa mort naturelle, parce que la possession en commun du sol s’est trouvée incompatible avec les besoins de l’agriculture moderne. Mais la vérité est que nulle part la commune villageoise n’a disparu du gré de ceux dont elle se composait ; partout, au contraire, il a fallu aux classes dirigeantes plusieurs siècles d’efforts persistants, quoique pas toujours couronnés de succès, pour abolir la commune et confisquer les terres communales.

En France les communes villageoises commencèrent à être privées de leur indépendance et à être dépouillées de leurs terres dès le XVIe siècle. Cependant, ce fut seulement au siècle suivant, lorsque la masse des paysans fut réduite par les exactions et les guerres à cet état d’asservissement et de misère, décrit par tous