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vivante, que le génie constructif du peuple tira l’inspiration et les éléments du nouveau progrès. Les nouvelles institutions économiques et sociales, en tant qu’elles furent une création des masses, les nouveaux systèmes de morale et les nouvelles religions ont pris leur origine de la même source ; et le progrès moral de notre race, vu dans ses grandes lignes, apparaît comme une extension graduelle des principes de l’entr’aide, de la tribu à des agglomérations toujours de plus en plus nombreuses, jusqu’à ce qu’enfin il embrasse un jour l’humanité entière, avec ses différentes croyances, ses langues et ses races diverses.

Après avoir traversé l’état de tribu sauvage, puis de commune villageoise, les Européens étaient arrivés à trouver au moyen âge une nouvelle forme d’organisation qui avait l’avantage de laisser une grande latitude à l’initiative individuelle, tout en répondant largement au besoin d’appui mutuel de l’homme. Une fédération de communes villageoises, couverte d’un réseau de guildes et de fraternités, vit le jour dans la cité du moyen âge. Les immenses résultats atteints par cette nouvelle forme d’union - le bien-être pour tous, le développement des industries, des arts, des sciences et du commerce — ont été analysés dans les deux chapitres précédents ; et nous avons essayé d’expliquer aussi pourquoi, vers la fin du XVe siècle, les républiques du moyen âge — entourées par les domaines de seigneurs féodaux hostiles, incapables de libérer les paysans de la servitude et corrompues peu à peu par les idées du césarisme romain — se trouvèrent condamnées à devenir la proie des États militaires qui commençaient à se développer.

Cependant, avant de se soumettre durant les trois siècles suivants à l’autorité absorbante de l’État, les masses du peuple firent un formidable effort pour recon-