Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’entourage, sans quoi l’entourage absorbe l’association. Mais sous ce rapport le citoyen du moyen âge avait commis une terrible faute dès le début. Au lieu de voir dans les paysans et les artisans qui se réunissaient sous la protection de ses murs autant d’aides qui contribueraient pour leur part à la prospérité de la cité — comme ce fut vraiment le cas, — une profonde division fut tracée entre les « familles » des vieux bourgeois et les nouveaux venus. Aux premiers furent réservés tous les bénéfices venant du commerce communal et des terres communales ; rien ne fut laissé aux derniers que le droit de se servir librement de l’habileté de leurs mains. La cité fut ainsi divisée : d’un côté « les bourgeois », ou « la commune », et de l’autre « les habitants[1] ». Le commerce, qui était d’abord communal, devint le privilège des « familles » de marchands et d’artisans, et il n’y eut plus qu’un pas à faire pour qu’il devint un privilège individuel ou le privilège de groupes oppresseurs ; ce pas était inévitable, et il fut fait.

La même division s’établit entre la cité proprement dite et les villages environnants. La commune avait bien essayé, au début, de libérer les paysans ; mais ses guerres contre les seigneurs devinrent, ainsi que nous l’avons déjà dit, des guerres pour libérer la cité elle-même des seigneurs plutôt que pour libérer les paysans. La cité laissa au seigneur ses droits sur les vilains, à condition qu’il ne l’inquiéterait plus et deviendrait un co-bourgeois. Mais les nobles, « adoptés » par la cité et résidant maintenant dans ses murs, ne firent que continuer l’ancienne guerre dans l’enceinte même de la cité. Il leur déplaisait de se soumettre à un tribunal

  1. Brentano a bien compris les effets fatals de la lutte entre les « vieux bourgeois » et les nouveaux venus. Miaskowski, dans son ouvrage sur les communes de la Suisse, a indiqué la même chose pour les communautés villageoises.