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deur et n’avaient laissé que les monuments d’architecture que nous voyons encore aujourd’hui dans toute l’Europe, depuis l’Écosse jusqu’en Italie, et depuis Girone en Espagne jusqu’à Breslau en territoire slave, nous pourrions déjà affirmer que l’époque où les cités eurent une vie indépendante fut celle du plus grand développement de l’esprit humain depuis l’ère chrétienne jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Si nous regardons, par exemple, un tableau du moyen âge représentant Nuremberg avec ses tours et ses clochers élancés, dont chacun porte l’empreinte d’un art librement créateur, nous pouvons à peine concevoir que trois cents ans auparavant la ville n’était qu’un amas de misérables huttes. Et notre admiration ne fait que croître lorsque nous entrons dans les détails de l’architecture et des décorations de chacune de des innombrables églises, beffrois, maisons communales, portes des cités, etc., que nous trouvons en Europe, aussi loin vers l’Est que la Bohême et les villes, mortes aujourd’hui, de la Galicie polonaise. Non seulement l’Italie est la patrie des arts, mais toute l’Europe est couverte de ces monuments. Le fait même que parmi tous ces arts, l’architecture, — art social par excellence — a atteint son plus haut développement, est significatif. Pour arriver au degré de perfection qu’il a atteint, cet art a dû être le produit d’une vie éminemment sociale.

L’architecture du moyen âge a atteint sa grandeur, non seulement parce qu’elle fut l’épanouissement naturel d’un métier, ainsi qu’on l’a dit récemment ; non seulement parce que chaque bâtiment, chaque décoration architecturale était l’œuvre d’hommes qui connaissaient par l’expérience de leurs propres mains les effets artistiques que l’on peut obtenir de la pierre, du fer, du bronze, ou même de simples poutres et de mortier ; non seulement parce que chaque monument était le résultat