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tions pour manger, ou des associations pour l’exercice d’un culte à certain jour, ou des confréries pour les funérailles. Les guildes répondaient à un besoin profond de la nature humaine, et elles réunissaient toutes les attributions que l’État s’appropria plus tard par sa bureaucratie et sa police. Elles étaient plus que cela, puisqu’elles représentaient des associations pour l’appui mutuel en toutes circonstances et pour tous les accidents de la vie, « par action et conseil » ; c’étaient aussi des organisations pour le maintien de la justice — différentes en ceci de l’État, qu’en toutes occasions intervenait un élément humain, fraternel, au lieu de l’élément formaliste qui est la caractéristique essentielle de l’intervention de l’État. Quand il apparaissait devant le tribunal de la guilde, le frère avait à répondre à des hommes qui le connaissaient bien et avaient été auparavant à ses côtés dans leur travail journalier, au repas commun, pendant l’accomplissement de leurs devoirs confraternels : des hommes qui étaient ses égaux et véritablement ses frères, non des théoriciens de la loi, ni des défenseurs des intérêts des autres[1].


Une institution si bien faite pour satisfaire aux besoins d’union sans priver l’individu de son initiative, ne pouvait que s’étendre, s’accroître et se fortifier. La difficulté était de trouver une forme qui permit de fédérer les unions des guildes sans empiéter sur celles des communes villageoises, et de fédérer les unes et les autres en un tout harmonieux. Quand cette combinaison eût été trouvée et qu’une suite de circonstances favorables eût permis aux cités d’affirmer leur indépendance, elles le firent avec une unité de pensée qui ne

  1. Voir appendice X.