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pouvons en parler en pleine connaissance de cause ; et nous pouvons affirmer avec certitude que ces fraternités représentaient un développement des principes mêmes que nous avons vus à l’œuvre, dans les gentes et les communes villageoises.

Rien ne peut mieux donner une idée des fraternités du moyen âge que ces guildes temporaires qui se formaient à bord des navires. Quand un navire de la Hanse avait accompli sa première demi-journée de voyage après avoir quitté le port, le capitaine (Schiffer) réunissait tout l’équipage et les passagers sur le pont, et leur tenait le discours suivant, ainsi que le rapporte un contemporain :


Comme nous sommes maintenant à la merci de Dieu et des vagues, disait-il, chacun de nous doit être égal à l’autre, et comme nous sommes environnés de tempêtes, de hautes vagues, de pirates et d’autres dangers, nous devons établir un ordre rigoureux pour amener notre voyage à bonne fin. C’est pourquoi nous allons prononcer les prières pour demander un bon vent et un bon succès, et suivant la loi maritime nous allons nommer ceux qui occuperont les sièges de juges (Schöffen-stellen). Après quoi l’équipage élisait un Vogt et quatre scabini, qui devaient remplir l’office de juges. A la fin du voyage, le Vogt et les scabini abdiquaient leurs fonctions et s’adressaient à l’équipage de la façon suivante : « Ce qui s’est passé à bord du navire, nous devons nous le pardonner les uns aux autres et le considérer comme mort (todt und ab sein lassen). Ce que nous avons jugé bon, nous l’avons fait pour la cause de la justice. C’est pourquoi nous vous prions tous, au nom d’une honnête justice, d’oublier toute animosité que vous pourriez nourrir l’un contre l’autre, et de jurer sur le

    des guildes dans « Two Thousand Years of Guild Life » par le Rev. J. N. Lambert, Hull, 1891. Sur les amkari de Géorgie, voir S. Éghiazarov, Gorodskiye Tsekhi (« Organisation des Amkari transcaucasiens »), dans les Mémoires de la Société géographique du Caucase, XIV, 2, 1891.