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jamais payé pour l’ouvrage qu’il fait pour ses co-villageois. Il doit travailler gratuitement et s’il utilise son temps de reste à fabriquer les petites plaques de fer ciselé et argenté dont les Bouriates ornent leurs vêtements, il peut à l’occasion en vendre à une femme d’un autre clan, mais aux femmes de son propre clan ces ornements doivent être donnés en cadeau. Les ventes et achats ne doivent point se pratiquer dans la commune, et la règle est si sévère que lorsqu’une famille riche loue un travailleur, ce travailleur doit être pris dans un autre clan ou parmi les Russes. Cette habitude n’est évidemment pas spéciale aux Bouriates, et elle est si répandue parmi les Barbares modernes, Aryens et Oural-Altaïens, qu’elle doit avoir été universelle chez nos ancêtres.

Le sentiment d’union à l’intérieur de la confédération est maintenu par les intérêts communs des tribus, par les assemblées communales et par les fêtes qui ont toujours lieu en même temps que les assemblées. Ce même sentiment est maintenu aussi par une autre institution, l’aba, ou chasse en commun, qui est une réminiscence d’un passé très ancien. Chaque automne, les quarante-six clans de Kondinsk se réunissent pour cette chasse, dont le produit est partagé entre toutes les familles. De plus des abas nationales sont convoquées de temps en temps pour affirmer l’unité de toute la nation bouriate. En ce cas, tous les clans bouriates, qui sont répartis sur des centaines de kilomètres à l’Ouest et à l’Est du lac Baïkal, sont tenus d’envoyer leurs chasseurs délégués. Des milliers d’hommes se réunissent, chacun apportant des provisions pour tout un mois. La part de chacun doit être égale, et avant d’être mêlées les unes avec les autres, toutes les parts sont pesées par un ancien élu (toujours « à la main » : des balances seraient une profanation de la vieille coutume).