Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était tenue d’exécuter la sentence de la loi coutumière. C’était là un devoir sacré, un devoir envers les ancêtres, qui devait être accompli au grand jour, jamais en secret, et qu’on devait porter à la connaissance publique. Aussi les passages les plus inspirés des sagas et des poèmes épiques en général sont ceux qui glorifient ce que l’on supposait être la justice. Les dieux eux-mêmes y aidaient. Toutefois le trait prédominant de la justice des barbares est, d’un côté, de limiter le nombre des individus qui peuvent être impliqués dans une dissension, et, d’un autre côté, d’extirper l’idée que le sang demande du sang, qu’une blessure appelle la même blessure, et d’y substituer le système des compensations. Les codes barbares, qui étaient des recueils de règles du droit coutumier réunies pour l’usage des juges, permirent d’abord, puis encouragèrent et enfin rendirent obligatoire la compensation au lieu de la vengeance[1]. Mais ceux qui ont représenté la compensation comme une amende, comme une sorte de licence donnée au riche de faire ce qu’il voulait, se sont complètement mépris. La compensation (Wergeld), tout à fait différente de l’amende ou du fred[2], était généralement si élevée pour toute espèce d’offenses actives, que certainement elle n’était pas un encouragement à de telles offenses. En cas de meurtre elle excédait généralement tout ce que pouvait être la fortune du meurtrier. « Dix-huit fois dix-huit vaches », est la compensation chez les Ossètes

  1. Königswarter, loc. cit., p. 50 ; J. Thrupp, Historical Law Tracts, London, 1843, p. 106.
  2. Königswarter a montré que le fred tirait son origine d’une offrande que l’on devait faire pour apaiser les ancêtres. Plus tard, on le paya à la commune pour violation de la paix ; et plus tard encore au juge, au roi ou au seigneur quand ils se furent approprié les droits de la commune.