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sur un de ses parents[1]. Il peut souvent arriver, cependant, que les représailles aillent plus loin que l’offense. En essayant d’infliger une blessure, on peut tuer l’offenseur ou le blesser plus qu’on n’avait l’intention de le faire, et ceci devient la cause d’une nouvelle vindicte ; de sorte que les législateurs primitifs prenaient soin de spécifier que les représailles seraient limitées à un œil pour un œil, une dent pour une dent, et le sang pour le sang[2].

Il est à remarquer cependant que chez les peuples primitifs de semblables cas de vindicte sont infiniment plus rares qu’on ne pourrait s’y attendre, bien que chez certains d’entre eux leur nombre atteigne des proportions anormales, particulièrement chez les montagnards, repoussés vers les hauteurs par des envahisseurs étrangers, tels que les montagnards du Caucase et surtout ceux de Bornéo, les Dayaks. Chez les Dayaks — nous a-t-on dit récemment — les haines sont au point qu’un jeune homme ne peut se marier ni être déclaré majeur avant d’avoir rapporté la tête d’un ennemi. Cette horrible coutume a été amplement décrite dans un ouvrage anglais moderne[3]. Il semble

  1. En Afrique, et ailleurs aussi, c’est une habitude très répandue que si un vol a été commis le clan voisin doit rendre l’équivalent de la chose volée, et puis chercher lui-même à découvrir le voleur. A. H. Post, Afrikanische Jurisprudenz, Leipzig, 1887, vol. I, p 77
  2. Voyez Coutumes modernes et la loi ancienne (en russe) du professeur Maxim Kovalevsky, Moscou, 1886, vol. II, qui contient des considérations importantes sur ce sujet.
  3. Voyez Carl Bock, The Head-Hunters of Borneo, London, 1881. Cependant, sir Hugh Law, qui a été pendant longtemps gouverneur de Bornéo, me dit que la « chasse aux têtes » décrite dans ce livre est très exagérée. Il parle, au contraire, des Dayaks absolument dans les mêmes termes sympathiques que Ida Pfeiffer. Je peux ajouter que Mary Kingsley, dans son livre sur l’Afrique occidentale, parle dans les mêmes termes sympathiques des Fans, qui avaient été représentés auparavant comme les plus « terribles cannibales ».