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lisme est représenté par certains sauvages comme ayant une origine divine, comme quelque chose ordonné par un messager du ciel. Mais plus tard le cannibalisme perdit son caractère de nécessité et survécut en tant que superstition. On mangea ses ennemis pour hériter de leur courage. A une époque encore postérieure, on mangeait, dans le même but, l’œil ou le cœur de l’ennemi, tandis que parmi d’autres peuplades ayant de nombreux prêtres et une mythologie développée, des dieux méchants, altérés de sang humain, furent inventés et les sacrifices humains furent demandés par les prêtres pour apaiser les dieux. Dans cette phase religieuse de son existence, le cannibalisme atteignit ses caractères les plus révoltants. Le Mexique en est un exemple bien connu ; et aux îles Fidji, où le roi pouvait manger n’importe lequel de ses sujets, nous trouvons aussi une caste puissante de prêtres, une théologie compliquée[1] et un développement complet de l’autocratie. Le cannibalisme, né de la nécessité, devint ainsi, à une époque postérieure, une institution religieuse, et sous cette forme, il survécut longtemps après qu’il eût disparu chez des tribus qui l’avaient certainement pratiqué à des époques précédentes, mais qui n’avaient pas atteint la phase théocratique de l’évolution. Il faut faire la même remarque en ce qui touche l’infanticide et l’abandon des parents. En certains cas ces pratiques ont aussi été conservées comme une survivance du vieux temps, comme une tradition religieuse.


Je vais terminer mes remarques en mentionnant une autre coutume qui donne également lieu aux conclusions les plus erronées. C’est l’usage de la vengeance

  1. W. T. Pritchard, Polynesian Reminiscenses, London, 1866, p. 363.