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bles d’un siècle mercantile, mais principalement à cause de superstitions. Aussitôt que l’un d’eux tombe malade, ses amis et parents se réunissent et se mettent à discuter sur ce qui pourrait être la cause de la maladie. Tous les ennemis possibles sont passés en revue, chacun confesse ses propres petites querelles, et enfin la vraie cause est découverte. Un ennemi du village voisin a appelé le mal sur le malade, et une attaque contre ce village est décidée. C’est la raison de querelles assez fréquentes, même entre les villages de la côte, sans parler des cannibales des montagnes qui sont considérés comme des sorciers et de vrais ennemis, quoique lorsqu’on les connaît de plus près, on s’aperçoive qu’ils sont exactement la même sorte de gens que leurs voisins de la côte[1].

On pourrait écrire bien des pages intéressantes sur l’harmonie qui règne dans les villages polynésiens des îles du Pacifique. Mais ils appartiennent à une phase plus avancée de la civilisation. Aussi prendrons-nous maintenant nos exemples à l’extrême Nord. Cependant il faut encore mentionner, avant de quitter l’hémisphère Sud, que même les Fuégiens, dont la réputation était si mauvaise, apparaissent sous un jour bien meilleur depuis qu’ils commencent à être mieux connus. Quelques missionnaires français qui sont restés parmi eux « n’ont connu aucun acte de malveillance dont ils puissent se plaindre ». Dans leurs clans, composés de cent vingt à cent cinquante personnes, les Fuégiens pratiquent le même communisme primitif que les Papous ; ils partagent tout en commun, et traitent

  1. Isvestia de la Société géographique de Russie, 1880, p. 161 et suiv. Peu de livres de voyages donnent un meilleur aperçu des petits détails de la vie de chaque jour des sauvages que ces fragments de notes de Maclay.