Page:Kipling - Le Second Livre de la jungle.djvu/349

Cette page a été validée par deux contributeurs.
340
le second livre de la jungle

pouvait les entendre grogner, crier, siffler, selon leur espèce. Leur voix, à cette époque, diffère de celle qu’ils ont aux autres moments de l’année, et c’est une des raisons pour lesquelles on appelle le printemps le Temps du Nouveau Parler.

Mais, ce printemps-là, comme il le disait à Bagheera, il sentait en lui un cœur nouveau. Dès le jour où il avait vu les rejetons du bambou tourner au brun tacheté, il s’était mis à attendre le matin où changeraient les parfums. Mais lorsque arriva ce matin-là, quand Mor, le Paon, éblouissant de bronze, d’azur et d’or, l’eut proclamé très haut le long des bois embrumés, et que Mowgli ouvrit la bouche pour reprendre le cri, les mots s’étranglèrent dans sa gorge, et il se sentit envahi du bout des pieds à la racine des cheveux par une sensation de misère profonde, au point qu’il s’examina scrupuleusement pour voir s’il n’avait pas marché sur une épine. Mor cria les nouveaux parfums ; les autres oiseaux reprirent l’appel ; et, du côté des rochers de la Waingunga, Mowgli entendait la voix rauque de Bagheera — quelque chose entre le cri d’un aigle et le hennissement d’un cheval. Des piaillements, une fuite de bandar-log, secouèrent les bourgeons des branches au-dessus de Mowgli