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le second livre de la jungle

les découvrir toutes quatre se succédant selon leur ordre accoutumé. Le Printemps est la plus merveilleuse parce que sa besogne n’est pas d’habiller de fleurs nouvelles des champs dépouillés et nus, mais de chasser devant lui, d’écarter un tas de choses à moitié vertes, qui s’attachent, ne veulent pas mourir, et que le doux hiver a laissées vivre, et de faire en sorte que la terre caduque, à demi vêtue, se sente neuve et jeune une fois de plus. Et cette tâche, il l’accomplit si bien qu’il n’est pas de printemps au monde comparable à celui de la Jungle.

Il arrive un jour où tout paraît las, où les parfums même que charrie l’air pesant se traînent vieillis et sans force. On ne se l’explique pas, mais l’on sent ainsi. Puis, vient un autre jour — en apparence, rien n’a changé — où tous les parfums sont frais et délicieux, où le peuple de la Jungle sent frissonner ses moustaches jusqu’en leurs racines, et où le poil d’hiver s’effiloche des flancs en longues mèches. Parfois alors il tombe un peu de pluie, et tous les arbres, les buissons, les bambous, les mousses et les plantes aux feuilles juteuses s’éveillent en une poussée de sève dont on croit presque entendre le bruit, un bruit sous lequel, nuit et jour, court la basse d’un faux bourdon.