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le second livre de la jungle

avec raideur sur le banc de sable au-dessus du pont. On pouvait distinguer à présent quel brutal ruffian c’était. Il présentait de dos une apparence éminemment respectable, car il avait près de six pieds de taille et ressemblait plutôt à un pasteur très correct et chauve. De face c’était différent, car sa tête et son cou, à l’instar d’Ally Sloper[1], ne portaient pas une plume, et l’on voyait pendre, sous son menton, un horrible sac de peau nue, réceptacle de tout ce que son bec en pioche pouvait voler. Les jambes étaient longues, maigres et décharnées, mais il les remuait fort délicatement, et les contempla avec orgueil en lissant les plumes gris cendré de sa queue. Après quoi il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule, et se raidit dans la position de « Garde à vous » !

Un petit Chacal galeux, qui jappait de famine sur une langue de terre basse, dressa les oreilles et la queue, et partit en barbotant à travers les flaques d’eau dans la direction de l’Adjudant.

C’était le plus bas de sa caste — non pas que le meilleur des chacals vaille grand-chose, mais celui-ci, moitié mendiant, moitié criminel, était particu-

  1. Type de vieillard cynique et ridicule qu’on peut comparer au Stenterello italien, et que la littérature créa vers 1880.
    (Note des traducteurs.)