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le second livre de la jungle

la ruine ; les lianes aux racines noueuses se précipitèrent à leur suite, jetant leurs coudes avides sur la terre nouvellement conquise ; et, derrière les lianes, l’herbe drue foisonna.

Ceux qui n’avaient pas de femmes s’enfuirent les premiers, portant auprès et au loin la nouvelle que le village était condamné. Qui pourrait, disaient-ils, lutter contre la Jungle ou les Dieux de la Jungle, quand le cobra du village, lui-même, a quitté son trou sous la plate-forme, à l’ombre du pipal !

Le peu de commerce qu’ils avaient jamais entretenu avec le monde extérieur se réduisit au fur et à mesure que les sentiers battus à travers la clairière diminuaient et s’effaçaient. Enfin, Hathi et ses trois fils cessèrent de les troubler la nuit par leurs éclats de trompette : ils n’avaient plus rien à faire ici. La graine sous la terre et la récolte au-dessus avaient également disparu. Les champs les plus éloignés perdaient déjà leur forme. Il était temps d’aller à Kanhiwara s’en remettre à la charité des Anglais.

Suivant la coutume des indigènes, ils différèrent encore le départ d’un jour à l’autre. Bientôt les Premières Pluies les surprirent, et les toits à l’abandon livrèrent passage au déluge ; sur les pâturages, l’eau montait à la cheville, et toutes les verdures