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guise. Rappelle-toi que nous autres, nous venons de nous battre pour nos nurseries, ce que tu n’as jamais fait. Tu préfères vagabonder à travers la mer.

Les autres phoques éclatèrent de rire à ces paroles, et le jeune phoque se mit à hocher la tête de gauche à droite. Il s’était marié cette année-là, et en faisait beaucoup d’état.

— Pourquoi me battrais-je, puisque je n’ai pas de nursery ? dit Kotick. Je veux seulement vous montrer un endroit où vous serez en sûreté. À quoi bon se battre ?

— Oh ! si tu te dérobes, bien entendu, je n’ai plus rien à dire, fit le jeune phoque avec un vilain ricanement.

— Viendras-tu avec moi, si j’ai le dessus ? demanda Kotick.

Et une lueur verte flamba dans ses yeux, car il était furieux d’avoir à se battre.

— Fort bien, dit le jeune phoque négligemment, si tu as le dessus, je viens.

Il n’eut pas le temps de changer d’avis, car la tête de Kotick s’était détendue, et ses dents crochaient dans le gras du cou de son adversaire. Puis il se rabattit sur ses hanches et traîna son ennemi le long de la grève, le secoua et le jeta à terre pour en finir.

Alors Kotick, s’adressant aux phoques, rugit :

— J’ai fait de mon mieux pour votre bien, au cours des cinq dernières saisons. Je vous ai trouvé l’île où vous serez en sécurité. Mais, à moins d’arracher vos têtes à vos sottes épaules, vous ne me croirez pas. Eh bien ! je vais vous apprendre, maintenant. Garde à vous !