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plus qu’en Dieu, de Dieu et pour Dieu. Que cherchons-nous hors de lui ? Ne renferme-t-il pas tous les biens ? Oh ! quand nous sera t-il donné de le voir tel qu’il est, face à face[1] ; de nous rassasier de son être, de sa gloire[2] infinie ! Hâtons de nos vœux ce moment qui fixera l’ardeur de nos désirs, écrions-nous avec le prophète : Malheur à moi, parce que mon exil a été prolongé ! J’ai habité avec les peuples de Cédar, et mon âme a été étrangère au milieu d’eux[3].


CHAPITRE LIV.

DES DIVERS MOUVEMENTS DE LA NATURE ET DE LA GRACE.

1. J.-C. Mon fils, observez avec soin les mouvements de la grâce : car, quoique très opposés, la différence en est quelquefois si imperceptible, qu’à peine un homme éclairé dans la vie spirituelle en peut faire le discernement.

Tous les hommes ont le désir du bien et tendent à quelque bien dans leurs paroles et dans leurs actions ; c’est pourquoi plusieurs sont trompés dans cette apparence de bien.

2. La nature est pleine d’artifice ; elle attire, elle sur prend, elle séduit, elle n’a jamais d’autre fin qu’elle-même. La grâce, au contraire, agit avec simplicité, et fuit jusqu’à la moindre apparence du mal : elle ne tend point de pièges, et fait tout pour Dieu seul, en qui elle se repose comme en sa fin.

3. La nature répugne à mourir ; elle ne veut point être contrainte, ni vaincue, ni assujettie, ni se soumettre volontairement.

Mais la grâce porte à se mortifier soi-même, résiste à la sensualité, recherche l’assujettissement, aspire à être vaincue, et ne veut pas jouir de sa liberté ; elle aime la dépendance, ne désire dominer personne, mais vivre, demeurer, être toujours sous la main de Dieu ; et à cause de Dieu, elle est prête à s’abaisser humblement au-dessous de toute créature[4].

  1. I Joann. iii, 2.
  2. Ps. xvi, 15.
  3. Ps. cxix, 5, 6.
  4. I Pet. ii, 13.