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Ne permettez pas que je juge d’après ce que l’œil aperçoit du dehors, ni que je forme mes sentiments sur les discours insensés des hommes[1] ; mais faites que je porte un jugement vrai des choses sensibles et des spirituelles, et surtout que je cherche à connaître votre volonté.

8. Souvent les hommes se trompent en ne jugeant que sur le témoignage des sens. Les amateurs du siècle se trompent aussi en n’aimant que les choses visibles.

Un homme en vaut-il mieux parce qu’un autre homme l’estime grand ?

Quand un homme en exalte un autre, c’est un menteur qui trompe un menteur, un superbe qui trompe un superbe, un aveugle qui trompe un aveugle, un malade qui trompe un malade ; et les vaines louanges sont une véritable confusion pour qui les reçoit.

Car, ce qu’un homme est à vos yeux, Seigneur, voilà ce qu’il est réellement, et rien de plus, dit l’humble saint François.

RÉFLEXION.

Dieu permet que notre âme soit quelquefois comme abandonnée. Nulle consolation, nulle lumière, mais de toutes parts des épreuves, des tentations, des angoisses : elle se croit près d’y succomber, parce qu’elle n’aperçoit plus le bras qui la soutient. Que faire alors ? dire comme Jésus : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous délaissé ? [2] Et cependant demeurer en paix dans la souffrance et dans les ténèbres, jusqu’à ce que les ombres déclinent ; et que nous découvrions l’aurore d’un jour nouveau[3]. Cet état est le plus grand exercice de la foi ; c’est pour l’âme une image de la mort : froide, sans mouvement, insensible en apparence, elle est comme enfermée dans le tombeau, et ne tient plus, ce semble, à Dieu, que par une volonté languissante dont elle n’est pas même assurée. Oh ! que de grâces sont le fruit de cette agonie supportée avec une humble patience ! Oh ! que de péchés rachètent cette passion ! C’est alors que s’achève en nous le mystère du salut, et que nous devenons véritablement conformes à Jésus, pourvu qu’avec une foi sincère, inébranlable, nous ne cessions de répéter cette parole de résignation : Oui,

  1. Is. xi, 3.
  2. Matth. xxvii, 46.
  3. Cant, ii. 17.