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Ce qui me plaît naturellement ou par habitude, voilà ce qui d’abord se présente à elle.

6. Et c’est pour cela, ô Vérité, que vous avez dit expressément : Où est votre trésor, là est aussi votre cœur[1].

Si j’aime le ciel, je pense volontiers aux choses du ciel.

Si j’aime le monde, je me réjouis des prospérités du monde, et je m’attriste de ses adversités.

Si j’aime la chair, je me représente souvent ce qui est de la chair.

Si j’aime l’esprit, ma joie est de penser aux choses spirituelles.

Car il m’est doux de parler et d’entendre parler de tout ce que j’aime, et j’en emporte avec moi le souvenir dans ma retraite.

Mais heureux l’homme, ô mon Dieu, qui, à cause de vous, bannit de son cœur toutes les créatures ; qui fait violence à la nature, et crucifie, par la ferveur de l’esprit, les convoitises de la chair, afin de vous offrir, du fond d’une conscience où règne la paix, une prière pure ; et que, dégagé au dedans et au dehors de tout ce qui est terrestre, il puisse se mêler aux chœurs des Anges !

RÉFLEXION.

Les maladies, les peines, les souffrances, les tentations, l’invincible désir d’une félicité que rien ne nous offre ici-bas, tout nous rappelle sans cesse à cette grande éternité où la foi nous promet, dans la possession de Dieu même, le repos, la paix, le bien parfait, infini, auquel nous aspirons de toutes les puissances de notre âme. Et voilà pourquoi les Saints gémissent si amèrement sous le poids des liens qui les retiennent encore sur la terre ; voila pourquoi l’Apôtre s’écriait : Je désire que mon corps se dissolve, afin d’être avec Jésus-Christ[2]. Alors plus de crainte, plus de larmes, plus de combat, mais un éternel triomphe et une joie éternelle. Si un faible reflet[3] de la vérité souveraine ravit déjà notre intelligence, que sera-ce quand nous la contemplerons dans son plein éclat ! et si, dès. à présent, il est si doux d’aimer, que sera-ce quand nous nous abreuverons à la source même de l’amour ! Oh ! oui, Seigneur, je

  1. Matth. vi, 21.
  2. Philipp. i, 23.
  3. I Cor. xiii, 12.