Page:Kempis - L Imitation de Jesus Christ, traduction Lammenais, edition Pages, 1890.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Car nous sommes chancelants, mais vous nous affermissez ; nous sommes tièdes, mais vous nous enflammez.

3. Oh ! que je dois avoir d’humbles et basses pensées de moi-même ! que je dois estimer peu ce qui paraît de bien en moi !

Oh ! que je dois m’abaisser profondément, Seigneur, devant vos jugements impénétrables, où je me perds comme dans un abîme, et vois que je ne suis rien que néant et un pur néant !

O poids immense ! ô mer sans rivages où je ne retrouve rien de moi, où je disparais comme le rien au milieu du tout !

Où donc l’orgueil se cachera-t-il ? où la confiance en propre vertu ?

Toute vanité s’éteint dans la profondeur de vos jugements sur moi.

4. Qu’est-ce que toute chair devant vous ? L’argile s’élèvera-t-elle contre Celui qui l’a formée ? [1]

Comment celui dont le cœur est vraiment soumis à Dieu pourrait-il s’enfler d’une louange vaine ?

Le monde entier ne saurait inspirer d’orgueil à celui que la vérité a soumis à son empire ; et jamais il ne sera ému des applaudissements des hommes, celui dont toute l’espérance est affermie en Dieu.

Car ceux qui parlent ne sont rien : ils s’évanouiront avec le bruit de leurs paroles : mais la vérité du Seigneur demeure éternellement[2].

RÉFLEXION.

Une des plus dangereuses tentations et des plus déliées, est celle de l’orgueil dans le bien. Pour peu qu’elle se relâche de sa vigilance, l’âme que la grâce avait élevée au-dessus de la nature et de sa corruption glisse imperceptiblement et retombe en elle-même. On s’est garanti de certaines fautes, on a pratiqué certaines vertus ; l’amour-propre s’arrête à cette pensée, et s’y repose avec complaisance. On se regarde, on est content de soi, on se préfère peut-être

  1. Is. xxix, 16 ; xlv, 9.
  2. Ps. cxvi, 2.