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saint et les meilleurs désirs, de peur qu’ils ne préoccupent et ne distraient votre esprit ; ou qu’en les suivant indiscrètement, vous ne causiez du scandale aux autres ; ou qu’enfin l’opposition que vous y trouverez ne vous jette vous-même dans le trouble et dans l’abattement.

5. Il faut aussi quelquefois user de violence, et résister aux convoitises des sens, avec une grande force, sans prendre garde à ce que veut la chair, et à ce qu’elle ne veut pas, et travailler surtout à la soumettre à l’esprit malgré elle.

Il faut la châtier et l’asservir, jusqu’à ce que, prête à tout, elle ait appris à se contenter de peu, à aimer les choses les plus simples, et à ne jamais se plaindre de rien.

RÉFLEXION.

Nous avons un grand combat à soutenir : contre notre esprit, qui nous égare, séduit par de fausses lueurs et par une funeste curiosité ; contre nos désirs, qui nous troublent ; contre nos sens dont les convoitises souillent l’âme et la courbent vers la terre. Lamentable condition de l’homme déchu ! Mais Dieu ne l’a point abandonné : il peut vaincre s’il veut. La foi réprime l’inquiétude maladive de l’esprit, et la fixe dans la vérité. Une entière soumission à la volonté divine produit la paix du cœur, en étouffant les vains désirs et ceux même qui trompent la piété par une apparence de bien. Enfin nous triomphons des sens par la prière, l’humilité, la pénitence, en châtiant le corps rebelle, et le réduisant en servitude[1]. C’est dans cette guerre de chaque moment que le chrétien se perfectionne, et c’est en combattant avec fidélité qu’il peut dire comme l’Apôtre : Je ne pense point être encore arrivé où j’aspire ; mais, oubliant ce qui est en arrière et m’étendant à ce qui est devant, je cours au terme de la carrière pour saisir le prix que Dieu nous a destiné, la félicité céleste à laquelle il nous a appelés par Jésus-Christ[2].

  1. I Cor. ix, 27.
  2. Philipp. iii, 13, 14.